Houda Maafer se bat au nom de la mixité sociale dans les écoles de la République. Celle qui est la présidente de l’association No Ghetto, sise dans le Rhône, dénonce le « manque de courage » des politiques, y compris ceux de gauche
C’est une conviction qui a germé en elle à son arrivée au lycée Jacques Brel, à Vénissieux (dans la métropole de Lyon), l’année de son bac, en 1993. « J’ai découvert qu’il y avait des établissements totalement ségrégués. C’était hallucinant, on était tous issus de l’immigration… Ce n’est pas la France telle qu’on se la représente ! »
Houda Maafer se souvient aussi du « manque d’ambition et d’ouverture d’esprit » de ses camarades d’alors. Et même des enseignants, qui lui déconseillaient de s’inscrire en fac de droit, « en [lui] disant [qu’elle] n’aurai[t] pas le niveau… » Elle choisit de ne pas les écouter… et deviendra juriste. Elle a fondé son propre cabinet de conseil en 2023.
Son engagement est intact. « Je viens de lire le rapport du Sénat sur les atteintes à la laïcité à l’école, il n’y a pas un mot sur la mixité. On ne se demande même pas s’il y a un lien. Partout où la mixité est expérimentée, le climat s’apaise, les résultats des élèves et les conditions de travail des enseignants s’améliorent. » Quand elle entend l’association locale No Ghetto prôner « le mélange des élèves des quartiers populaires et des quartiers plus bourgeois », elle ne tarde pas à les rejoindre.
Et devient peu après la présidente de cette structure née à la suite du coup de sang de Farid Ben Moussa, un infirmier et militant associatif, quand il découvre, en 2019, le projet de construction d’un nouveau collège à la frontière entre deux des quartiers les plus pauvres de l’agglomération lyonnaise, les Minguettes, à Vénissieux, et l’Arsenal, à Saint-Fons. « Ce sera forcément un collège ghetto, se dit-il alors. Ça m’a hérissé les poils. » Il a rapidement compris ce que Houda Maafer pouvait apporter. « Je n’ai pas sa patience ! Je me souviens d’une visio avec un député qui ne voulait rien entendre. Ça m’a énervé, j’ai éteint l’ordinateur. Houda est restée et l’a convaincu de déposer un amendement… »
No Ghetto est devenu la bête noire – ou la mauvaise conscience – des écologistes à la tête de la métropole de Lyon. « Quand ils ont gagné, on s’est dit que c’était bon, que le collège ne se ferait pas. Le premier rendez-vous avec eux s’est d’ailleurs bien passé. Après, rideau, on est tombés sur un mur. Et ils ont maintenu le projet », raconte Farid Ben Moussa. Argument des écolos selon lui ? « Il ne faut pas casser les solidarités des quartiers. » Houda Maafer regrette « une certaine lâcheté électoraliste. Quand on connaît les valeurs portées par ce parti, dit-elle, c’est décevant… »
Mais elle concède : « La mixité, c’est compliqué à porter politiquement, parce que les parents ne sont pas rationnels. On veut tous ce qui semble le mieux pour nos enfants… » Les siens ont d’ailleurs fait leur scolarité… dans le privé. Pour « retrouver la mixité qu’il n’y avait pas dans le collège de secteur. » « On ne peut pas demander aux parents de porter le changement. C’est aux élus de trancher dans le vif », se justifie cette lectrice de Tolstoï et de polars.
Véronique Moreira, la vice-présidente écologiste de la Métropole de Lyon, chargée des collèges, loue « une association à qui l’on doit beaucoup. Ils ont posé ce débat au niveau national et contribué à la publication des indices de position sociale (IPS) ». Elle promet la mise en œuvre d’expérimentations « d’ici à la fin du mandat ou le début du prochain » en assumant de « prendre le temps, car c’est un travail long et complexe, il faut convaincre les parents, les enseignants, les villes, le rectorat… »
Houda Maafer y voit surtout « un manque de courage. Des expériences ont été menées à Toulouse et à Paris, elles sont très positives. Il est temps d’agir